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mercredi 5 août 2009

Voyage au pays de La Meije

Le pays de La Meije ou le paradis du ski freeride...voilà pourquoi depuis de nombreuses années ce petit coin des Alpes m'attire mais en aucun cas je n'aurai imaginé venir ici pour pratiquer l'alpinisme...
L'idée est venue il y a 1 an de Julien, le couz des Alpes, qui rêvait un jour de monter là haut, sur ce sommet mythique. Fort de mon ascension du Mont Blanc à l'époque, et motivé à l'idée de refaire une grande course, je l'ai relancé cet hiver afin de ne pas laisser ce projet aux oubliettes.

Pourquoi ce sommet?

Tout simplement parce qu'il est chargé d'histoire. C'est le dernier sommet majeur des Alpes à avoir été gravi, le 16 août 1877 par Emmanuel Boileau de Castelnau et Pierre Gaspard et fils.
C'est aussi un des sommets les plus difficiles des Alpes car il ne comporte aucune voie dite "facile", la voie normale étant côtée "difficile". Cette escalade très esthétique offre aussi une variété de difficultés approchant ainsi tous les domaines de l'alpinisme : escalade en rocher, traversée de glacier, arêtes aériennes, goulotte de glace... Pour ces raisons et aussi grâce à sa silhouette remarquable, la Meije occupe une place de choix dans l'imaginaire des alpinistes. D'ailleurs, on l'appelle parfois « La Reine Meije » ou « Sa Meijesté ».
Le récit de la course:

Dimanche 26 Juillet :

Vers 18h30, nous arrivons à la Grave et apercevons La Meije qui surplombe la vallée...ouf!! quelle vue sur ce qui nous attend. Un petit regard vers Julien qui en dit long..."qu'est ce qu'on est venu foutre ici!!"...Nous nous arrêtons sur le bord de la route et prenons quelques photos, histoire de s'imprégner un peu de l'atmosphère qui règne ici.

Direction chez Paulo, notre guide pour préparer les sacs, faire un petit débriefing...Son approche de la montagne, différente de celle de beaucoup d'alpinistes, nous rassure rapidement. On va réapprendre à marcher, caler sa respiration sur nos pas sans se mettre dans le rouge afin de profiter pleinement de cette course...

Pour le présenter, c'est quelqu'un qui vit 6 mois de l'année à la Grave et les 6 autres à Katmandu, à la découverte du Népal, chapotant ainsi de nombreuses expéditions vers les plus hauts sommets himalayens.
son site : http://www.paulo-grobel.com/ pour les amoureux de belles histoires et photos.

Sur ces différentes expéditions, il a rencontré un Népalais, Chhotemba Sherpa. Il l'a fait venir en France pour 3 mois afin de lui apprendre la langue et les techniques de l'alpinisme pour le préparer au diplôme de guide qu'il souhaite passer dans son pays. Il mènera donc une cordée en guise de formation.
Grimpant plus que Julien, il est décidé que je ferai cordée avec Chhotemba pour les parties d'escalade pure. A l'inverse, étant moins à l'aise sur la glace et la neige, Paulo m'assurera sur les glaciers et les zones mixtes.

Lundi 27 Juillet:
8h30 : nous prenons la première benne qui nous montera à 2400m. Chhotemba a découvert les remontées mécaniques il y a 1 mois et y a pris goût...on s'habitue vite aux conforts occidentaux.


1er jour : il s'agit de remonter jusqu'à la brêche de la Meije, par les Enfetchores et redescendre ensuite au refuge du Promontoire. Cette approche du refuge, côtée PD est déjà une sacrée course avec 1000m de dénivelé, de nombreux pas d'escalade et la traversée du glacier de la Meije très crevassé. Idéal pour se préparer pour le lendemain. Elle permet aussi aux guides de voir si les clients ont le niveau ou pas de s'attaquer à l'ascension de la Meije.

6h30 d'efforts pour cette mise en jambe...

Quelques passages clés :









2eme jour : du refuge du Promontoire (3092m) au refuge de l'aigle (3450m) en remontant l'arête du Promontoire jusqu'au grand pic de la Meije (3983m) et la traversée des arêtes jusqu'au doigt de dieu (3973m). course côtée D.



Réveil 5h pour un départ prévu vers 6h, au petit jour. Les autres cordées s'engageant dans la voie sont déjà parties depuis 2h quand nous attaquons l'ascension à l'exception des gardiens du refuge qui feront la course jusqu'au grand pic avec nous. Nous avons partagé de très bons moments avec eux tout au long de l'ascension.
L'escalade commence dès la sortie de la terrasse du refuge et très vite nous arrivons au pas du crapaud que l'on passe facilement et qui nous mène sur l'arête du promontoire que l'on suit jusqu'au grand couloir Duhamel (surplombé par la pyramide du même nom) que l'on remonte sur sa rive droite. Passage exposé aux chutes de pierre, nous restons vigilants.



Au sommet du couloir, le refuge parait déjà bien petit tandis que la mer de nuage grignote la vallée de la Bérarde.

Derrière nous, le sommet semble bien loin encore et est surtout bien défendu par la muraille Castelnau. On peut se demander comment les 1er vainqueurs de la Meije ont pu s'engager là dedans avec le matériel de l'époque!!! chapeau à eux, il fallait les avoir bien accrochées!!!


Quelle ne fût pas notre surprise après moins de 2h d'ascension de rattraper les cordées parties tôt ce matin. Du coup Paulo, passe la vitesse supérieure et s'envole avec Julien...Avec chho et les gardiens du refuge nous suivons mais sommes pris en plein traffic sur un relais...Toutes les cordées sont là, en galère et nous ralentissent dans notre progression. Nous profitons du passage du dos d'âne côté seulement 3c (hum hum) qui clôture la dalle Castelnau pour en doubler une partie.
Julien juste après le dos d'âne, ambiance!!


L'ascension se poursuit par la dalle des Autrichiens avec un joli pas, sans doute le plus dur (photo ci dessous à gauche)...je n'aurais pas aimé le passer en tête...chercher les points d'assurage pour Chho!! chute interdite!!

photo de droite : Julien est juste au dessus, la dalle inclinée qu'il a devant n'est pas une mince affaire non plus!! Te serais tu aidé de la sangle en guise de pédale...moi oui!!!



Ensuite une vire à gauche nous emmène au pas du chat qui nous fait basculer sur le versant Ouest où l'on peut voir l'Alpe d'Huez...Le vide sur notre gauche est ici assez impressionant et mieux vaut être un peu contorsionniste et équilibriste pour passer ce fameux pas.
Sous les conseils des gardiens du refuge, nous évitons un couloir en mauvais rocher qu'ils ont grimpé, l'itinéraire était pourtant par là. Du coup, nous arrivons au pied d'une cheminée dont la médiocrité du rocher n'est guère mieux...
Sous nos pieds, on distingue le refuge et l'arête du promontoire ainsi que le couloir Duhamel... Y a du gaz!! (Maman regarde pas ça, tu vas plus vouloir que j'aille en montagne)


Nous arrivons enfin sur les vires qui mènent au glacier carré où nous attendent Ju et Paulo depuis 3/4 d'h!!! c'est ça les embouteillages en montagne!! j'apréhendais un peu ce passage aérien que j'avais pu lire dans les topos mais finalement c'est passé sans soucis. "A men donné" on s'habitue au vide!!


Le glacier carré, suspendu en pleine face coupe les portions d'escalade en 2 parties. Pentu à 45°, la chute à ce niveau est interdite sous peine d'un envol énorme à l'arrivée. c'est ici que nous inversons les cordées, Ju passant avec Chho et moi avec Paulo.


Le cheminement du glacier se fait droit dans la pente proche des paroies rocheuses puis vient une traversée où la concentration est à son maximum et de nouveau droit dans la pente, ça passe bien, la trace est bien faite.



Ensuite nous attaquons le dernier tronçon d'escalade, les 250 derniers mètres avant le sommet du grand Pic. Le rocher a changé, on est passé du granit usant le bout des doigts au gneiss...Les prises sont bonnes, ça grimpe bien. C'est un régal.


Nous arrivons enfin au fameux cheval rouge. Passage mythique de l'ascension, une dalle rouge avec des petites réglettes nous conduit sur le fil de l'arête, assis, un pied versant Bérarde et l'autre vers la Grave, très aérien...magnifique!!! Suit ensuite un superbe pas, surplombant, pour se redresser à moitié dans le vide de la face Nord, appelé le chapeau du Capucin. Instant magique...
L'arête finale ne pose aucun problème pour atteindre ce sommet mythique!!!




12h45, nous arrivons au sommet

Superbe panorama depuis le sommet avec entre autre la barre des écrins et le dôme (seul 4000 des écrins) et bien sur le Mont Blanc en toile de fond...


La suite de l'itinéraire se dessine devant nous avec les 4 dents et le doigt de Dieu. Il rest e du pain sur la planche comme on dit.


Du coup on perd pas trop de temps au sommet et entamons la descente dans la face Nord vertigineuse du Grand Pic. Après 3 rappels, nous prenons pied sur le glacier et l'arête. Une fine dalle en guise d'arête nous conduit au pied de la dent Zsigmondy.




Nous rechaussons les crampons et contournons cette dent à sa base par la face nord à l'aide d'un chemin de câbles et entamons la remontée vers l'arête dans une goulotte de glace vive approchant les 50 ou 60° d'inclinaison. C'est le passage le plus difficile de la journée, facilité heureusement par les câbles...mais que les mollets chauffent lorsque l'on cramponne uniquement avec les pointes avants.
Ju s'est fait un ptit plaisir en sortant son piolet, ravi de faire un peu de glace...mais à la sortie sur l'arête c'est la pose syndicale qu'il demandera pour se remettre de ses efforts.



Le reste de la traversée se résumera à une succesion d'escalades et désescalades voire descentes en rappel des différentes dents, toutes plus belles les unes que les autres, toujours sur une arête très aérienne jusqu'au doigt de Dieu. L'escalade n'est pas difficile mais l'impression de vide est partout, c'est impressionnant mais tellement joli que l'on y fait presque plus attention, on savoure chaque instant passé là haut tout en restant très concentré sur nos mouvements.






Arrivée au Doigt de Dieu pour chho et ju dans la descente après le 1er rappel

Le refuge de l'aigle se rapproche, encore un dernier rappel pour passer la rimaye et nous prenons pied sur le glacier du Tabuchet, le soleil est déjà bas.

Il est 21h, nous arrivons au refuge avec un superbe couché de soleil. Cela fait 15h que nous sommes partis du Promontoire. Nous pouvons enfin savourer cette longue journée riche en enseignement et émotions.
Les autres cordées sont encore sur les paroies, la dernière arrivera vers 2h du mat!!!



La conclusion et le ressenti du couz:
"Une marche consciente pour un plaisir intense.
Technique de marche méditative à la Paulo ou marche consciente, le respir, le souffle, le pas précis.
Une cordée, une expérience, un dépassement personnel, une confiance en son compagnon et en soi.
Vincent et Moi avons fait l’expérience d’une sortie mythique en haute montagne, nous avons côtoyé le vide, une sensation qui nous a accompagné toute la journée, accrochés entre arrêtes et dalles surplombantes de falaises et de couloirs suspendus..."
La description de Paulo :
"Quel nom symbolique à la douce sonorité. Il reflète bien la relation particulière qu'entretiennent les alpinistes du monde entier avec ce fier sommet des Ecrins. Un mélange d'admiration et de respect, un peu d'appréhension aussi, et, surtout une envie bien réelle, un jour, de cheminer en plein ciel sur ces arêtes effilées.La traversée de la Meije n'est pas une course difficile, c'est une grande course, nécessitant une aisance certaine dans tous les domaines de la haute montagne : le rocher, la neige et la glace, mais dans un niveau de difficulté encore raisonnable.Il faut également être en bonne forme physique et ne pas craindre le vide qui se creuse à chaque pas."

6 commentaires:

  1. MAGNIFIQUE et très beau récit
    pense à moi quand tu seras guide

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  2. SUPERBE !!! mais je préfère les vacances au bord dela mer, les 10 doigts écartés...

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  3. Excellent cette (petite) escapade alpestre !!! Je vais essayer de faire l'an prochain de derby de la Meije ... c'est une descente de ski dans le coin ... avec moins de pente quand meme !!! (enfin j'espere !)
    David.

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  4. tu peux t'affuter les cuisseaux pour le derby de la Meije mon poulet, c'est 2000m de déniv "dré dans l'pentu" comme ils disent là bas!!! départ en ligne et le 1er en bas avec le moins de virage possible..

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  5. euh Anonyme c'est moi au fait

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  6. Wouaouh!!... Impressionnant!! Enfin, même plus que ça!!O_O...
    Bravoooooo!!

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